Apprendre ou jouer ?

Apprendre ou jouer ?

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Il est parfois bon (et nécessaire !) de prendre du recul pour se souvenir que l’association enfance/école est très récente dans l’histoire de l’humanité. Peter Gray nous rappelle la capacité naturelle de nos enfants à apprendre par leur activité spontanée (le jeu) et nous alerte sur les restrictions, malheureusement toujours plus fortes, de leur temps de liberté.

Libre pour apprendre, Peter Gray, Éditions l’Instant Présent. p.99.

Concepts !

Concepts !

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Atao et G. vous proposent quelques devinettes avec le jeu Concept.

Le pion vert indique le concept principal, et les cubes de la même couleur le décrivent.
(La liste décrivant les concepts proposés dans le jeu est en photo ci-dessus.)

Par exemple, avec ces indices, nous vous faisons deviner…

… Docteur ! (facile, non ?)

Mais voici un peu plus dur (les réponses sont en bas de l’article) :

(Parfois, on ajoute un concept supplémentaire avec une autre couleur – comme dans le cas numéro 2 – pour donner donner plus d’indices)

Réponses :

  1. papillon
  2. Dumbo
  3. blanc comme neige
  4. Kirikou
  5. mettre les pieds dans le plat

Vous aviez trouvé ?

News Picpus

News Picpus

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Interview d’Emmie et Lily-Rrose

Qu’êtes-vous en train de faire ?

On écrit « News Picpus » pour la couverture du journal. C’est ce qui a été proposé et choisi : « News Picpus, un journal original ». On ajoutera une photo différente à chaque édition, en gardant ce nom. On ne sait pas encore quelle photo on mettra pour ce numéro.

Vous savez ce que vous allez faire du journal ensuite ?

Oui, on va en faire plusieurs exemplaires et le distribuer aux parents, pour que tout le monde en ait un.

Et vous aimeriez le distribuer au-delà de l’école ?

Oui ! On pourrait le vendre aux passants !
La bouteille qui a soif (incroyable !)

La bouteille qui a soif (incroyable !)

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par Santino

D’abord on a pris un verre, une assiette creuse, de l’encre (diluée avec de l’eau) et un glaçon.

On a mis un peu d’encre dans l’assiette et on a chauffé de l’eau.

On a versé l’eau chaude dans un verre, puis vidé l’eau (ça a servi à ce que l’air dans le verre soit chaud).

J’ai vite pris le verre chaud que j’ai mis mis à l’envers sur l’assiette. J’ai mis un glaçon sur le dessus du verre et j’ai attendu…

Expériences avec le blob

Expériences avec le blob

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Notre école a été sélectionnée au printemps dernier pour participer au programme #EleveTonBlob, organisé par la biologiste Audrey Dussutour et le CNES. Il nous était proposé de réaliser une expérience en même temps que Thomas Pesquet qui était à bord de l’ISS et de comparer nos résultats. Depuis, nous continuons à expérimenter avec nos blobs.

Nous avons fait plusieurs installations pour voir comment le blob se déplaçait, en lui mettant plus ou moins de nourriture (flocons d’avoine), en l’immergeant dans de l’eau avec la nourriture, et même en le plaçant sous une boite de pétri trouée placée au dessus de lui, pour voir s’il pouvait se déplacer vers le haut.

la nourriture est placée un étage au-dessus

En regardant l’évolution et ses déplacements sur les photos, nous avons eu l’idée de l’aider à grimper en installant des cure-dents verticalement et en y collant un peu de flocons d’avoine au bout. Nous avons donc réalisé une nouvelle installation.

 

Nous avons aussi choisi d’installer une sclérote au bout d’un tuyau pour voir le blob évoluer à l’intérieur !

Un vendredi en terrain sauvage

Un vendredi en terrain sauvage

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Ce vendredi, les jeunes ont découvert un lieu recommandé par un parent : la TEP Ménilmontant

« La TEP Ménilmontant veut montrer la capacité des citoyennes et citoyens à s’organiser pour créer ensemble un lieu de rencontre où faire du sport, se détendre, s’amuser, protéger la biodiversité et expérimenter une autre façon d’être urbain. »

Il suffit d’un petit sentier pour s’extraire de la ville et laisser la place à tous les imaginaires… Entourés de verdure, on construit une forge pour affuter les épées, une maison, un petit coin pour planifier ses explorations autour d’une bougie magique…

Stage Vacances d’Été  (08/07/19 – 19/07/19)

Stage Vacances d’Été (08/07/19 – 19/07/19)

Actus Articles Stages

Être & Savoir accueille les enfants de l’école ou extérieurs, de 3 à 11 ans, pour des semaines vacances. De 9h à 17h

Au programme :
  • Un accueil pensé en fonction du groupe d’enfants, des activités libres, des ateliers et séances guidés, des sorties.
  • Un fil rouge qui donne une coloration à la session de vacances, avec des intervenant.e.s spécialement qualifié.e.s
    Des coins permanents en accès libre : théâtre de marionnettes, table de dessin, jeux de société, d’imagination, de construction, arts visuels, lectures, sieste…
    Des ateliers et séances guidés : chansons et jeux en anglais, jeux coopératifs et d’expression, activités manuelles, cuisine et vie quotidienne…
    Des sorties à la bibliothèque, au square et en fonction de l’orientation de la semaine

Repas du déjeuner et goûter compris, tout bio.

Accueil entre 9h et 9h30. Retour entre 16h30 et 17h.

Stage « Autour Du Monde » du lundi 8 au vendredi 12 Juillet:
Découvre d’autres pays et leurs cultures : fabrique ton carnet des drapeaux, situe les pays et leurs capitales et découvre d’autres préparations culinaires. Activités : Jeux, Activités manuelles, Cuisine, Sorties.

Stage « Nature Créative » du lundi 15 au vendredi 19 Juillet:
Apprends à fabriquer une cabane avec des matériaux simples et des modes d’assemblage variés. Découvre comment réaliser des créations avec des matériaux issus de la nature et deviens un authentique créateur.
Activités : Cabanes et bivouac, pleine air et land-art.

Inscription : https://etre-et-savoir.org/stages-vacances/

Accueil de volontaires

Accueil de volontaires

Actus Articles

Vous êtes sensibles à notre proposition ? Vous avez du temps à investir dans une immersion pédagogique ? Vous avez envie de participer à la vie de la structure et de vivre une expérience visant à donner aux enfants toute leur place dans la vie de l’école ?

Nous sommes ouverts à l’accueil de bénévoles pour des périodes d’au moins quatre semaines. Il s’agit pour nous de pouvoir partager nos pratiques et de profiter d’un point du vue extérieur sur notre projet.

Écrivez-nous à recrutement((a))etre-et-savoir.org, racontez-nous votre intention et vos disponibilités et nous vous contacterons certainement pour une rencontre afin de vérifier que nous sommes sur la même longueur d’ondes.

À bientôt,

L’équipe Pédagogique

Troubles de l’attention ou exigences inappropriées des institutions, par Raphaël Mellado

Troubles de l’attention ou exigences inappropriées des institutions, par Raphaël Mellado

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Ce chapitre rend compte d’expériences vécues dans l’animation et l’éducation populaire en tant qu’animateur, directeur et formateur auprès de publics de tous âges dans les milieux scolaires, périscolaires, de loisirs. Je travaille actuellement, et depuis quelques années maintenant, au sein d’écoles alternatives pour le développement et la mise en place d’un lieu de vie éducatif permettant l’expression et la vie des capacités d’apprentissages et de développement propres à chacun.

Dans mon approche, l’éducation est un moyen pour transmettre des compétences, des capacités, des valeurs, un processus dans lequel les éducateurs et les éduqués s’influencent mutuellement et échangent régulièrement leurs rôles. Un processus enfin qui vise de façon optimiste à faire évoluer la société vers un système d’interaction juste et équitable.

Qu’est-ce que l’attention ?

J’envisage l’attention comme la capacité à se focaliser, à faire tendre son énergie, sa concentration, son écoute. L’attention sert à mobiliser son potentiel sur un objet et à s’y consacrer sur un laps de temps plus ou moins long. En ce sens, un trouble de l’attention serait un défaut de cette capacité.

L’attention ainsi définie suppose un processus amenant à une manière concentrée de vivre une situation. Elle peut être le résultat d’une implication volontaire dans une activité. Mais le plus souvent, cette capacité est à exprimer dans le cadre d’une injonction : on demande de l’attention à celles et ceux qui nous écoutent. L’attention serait donc aussi dans de tels cas une preuve de respect, de maîtrise de soi. D’une manière plus problématique, l’attention est parfois interprétée comme le résultat d’un effort motivé par l’intérêt porté par une personne à une autre. De ce point de vue, un manque d’attention viendrait forcément d’un défaut de la part de celui ou celle supposée écouter et/ou se rendre visiblement disponible.

Dans le cadre d’une relation d’apprentissage, on considère généralement que c’est à l’apprenti de faire preuve d’attention envers le sage, et s’il s’avère que lorsque l’apprenant ne peut donner de l’attention, les conclusions tombent schématiquement, selon mes observations, dans deux catégories : celle d’un manque de volonté ou celle d’un trouble. Dans les deux cas, la responsabilité de ce qui est perçu comme un problème est attribuée à l’apprenant…

Contexte éducatif et normalisation

Dans mon travail auprès d’enfants et de jeunes, j’ai pu voir et pratiquer différentes approches, mais j’en arrive aujourd’hui à me concentrer sur la question de la relation et du contexte éducatif. Le contexte éducatif est une situation d’interaction comprenant à la fois les espaces physiques, les règles, les statuts, le temps. La relation éducative, fortement influencée par ce contexte, est le lien vivant entre l’apprenant et l’éducateur qui y sont vus comme des collaborateurs.

Dans la majorité des situations, le contexte éducatif est un contexte institutionnel, il est le résultat d’un long processus historique qui vient définir le contexte et la relation éducative. Dans le cas de l’école, il s’agit d’une situation mettant en jeu élèves et enseignants au sein d’une institution dont le but de transmettre des savoirs et des compétences. Et ce contexte se trouve définir un espace d’expression dont chacun des membres va devoir jouer le jeu.

L’enjeu éducatif est aujourd’hui largement assimilé à la scolarisation, c’est-à-dire à une vision qui envisage l’enfant par le prisme de l’élève. Il s’agit principalement d’amener l’enfant à adopter et à vivre un comportement valorisé par la structure d’accueil. C’est souvent donc la normalisation, l’assimilation de l’enfant à ce système qui est vue comme permettant le développement et l’évolution de celui-ci.

Lorsque le jeu de l’élève et du maître se joue sans encombre, chacun va renforcer son rôle et pouvoir s’y investir. Mais lorsque l’élève ne joue pas son rôle, alors il va falloir l’aider… À l’école, le rôle de l’élève se joue sur neuf demi-journées, le plus souvent dans un format de classe autour d’activités organisées par l’enseignant dans le cadre d’un programme national. Il y a à l’école des temps dédiés à des types d’activités qui sont les mêmes pour tout le monde, et la normalisation des enfants dès la maternelle, voire même plus tôt selon les recommandations de l’OCDE, doit permettre la scolarisation de masse dans « les meilleures conditions ». Cette conception de la scolarisation implique en effet un enjeu de gestion des enfants en tant que groupe social, les comportements devant donc être standardisés pour être gérables.

Dans la pédagogie Montessori, on parle aussi de normalisation. Les enfants intègrent dès leur entrée à l’école, vers trois ans, les processus d’utilisation du matériel, la gestion de leurs déplacements, les activités acceptables et celles qui ne le sont pas. Plus généralement, des codes de conduite sont nécessaires à un fonctionnement collectif, et ces codes de conduite supposent pour les membres du groupe une maîtrise de leurs corps au regard du contexte dans lequel ils évoluent. Ainsi, je vais pouvoir agir bruyamment, me rouler par terre et sauter sur des gens lorsque je joue au rugby, comportement inacceptable dans le contexte de la classe. Et dans ce cas particulier, il serait malvenu de mobiliser mes comportements d’élève au milieu de la mêlée.

Chaque contexte comporte donc des codes qui permettent à ce contexte de se pérenniser et de rester viable, jouable et vivable. De ce point de vue, les comportements valorisés au sein d’une école, car pratiques pour assurer son bon fonctionnement, sont très particuliers : le déplacement en rang et en silence, la capacité à répondre quasi-instantanément à une demande extérieure, le fait de devoir réaliser des tâches définies par d’autres, le travail assis et intellectuel, la recherche de la performance dans les évaluations, la soumission à l’autorisation pour aller aux toilettes… Ces comportements sont proches de ceux attendus  d’un exécutant, mais de plus en plus éloignés de ce qui est espéré pour un citoyen ou un individu qui devra trouver sa place, en dehors du champ professionnel, dans un monde en mutation profonde au sein duquel « l’initiative personnelle » est de plus en plus officiellement valorisée.

Cette normalisation forcée se dote aujourd’hui d’outils médicaux et médicamenteux, les profils atypiques fleurissent, les spécialistes aussi. Comme si l’urgence était dans la mise en place rapide de solutions, de traitements des comportements « déviants ». De plus en plus d’enfants sont diagnostiqués et, même quand ils ne sont pas médicamentés, ils sont affublés d’une étiquette venant expliquer pourquoi et comment ils ne peuvent se conformer. Il est de plus en plus fréquent d’accueillir des enfants qui ont un dossier psychologique ou psychiatrique, et ce de plus en plus jeune. Il est d’ailleurs intéressant de constater à quel point, un peu comme un ophtalmologiste qui a tendance à prescrire une correction pour la vue, les psychologues ont tendance à détecter les pathologies liées à leurs formations. La différence semble être automatiquement interprétée en terme de de défaut (ou de « déficit ») au regard d’un étalon qui serait l’individu « normal ». Le tout avec le risque majeur de donner à l’enfant un qualificatif qui va le définir jusque dans ses propres yeux, faisant de sa spécificité une pathologie.

L’engrenage est complexe, car les intentions sont à chaque fois louables et se veulent au service de l’enfant ; les parents cherchent en grande majorité à donner à leurs enfants le maximum de chances de « s’en sortir ». L’école reste en effet une référence centrale en tant que voie d’évolution vers une réussite sociale. Mais lorsque, du coup, l’énergie des familles, des enseignants, des psys, des enfants est mise sur le respect des formes de la scolarisation (plus que sur l’acquisition effective de compétences), cela peut se faire au prix du respect de l’intégrité physique des individus et d’une inclusion participative dans la société des enfants et des jeunes en tant que citoyen actifs et entiers.

Deux expériences en colonie

J’ai eu l’occasion d’accueillir des enfants diagnostiqués hyperactifs lors de mes expériences d’animateur et directeur de colonies de vacances. Je me concentrerai ici sur deux garçons qui bénéficiaient d’une pause dans leur traitement au sein d’une colonie de vacances fonctionnant sans planning, avec un choix d’activités laissé libre pour les participants. Des espaces étaient aménagés autour d’activités physiques, créatives, de repos, chacun de ces espaces étant accessible et les enfants étant amenés à construire eux-mêmes leurs journées. L’intention étant de pouvoir atteindre le plus souvent possible une situation de jeu, au sens d’activité autotélique de libre implication.

Lors de ce séjour, deux enfants hyperactifs étaient accueillis, qui ont pu vivre leur séjour avec les autres malgré la suspension de leur traitement médicamenté. Cela n’a pas été simple au départ, mais en jouant sur les références associées au lieu et le rapport aux adultes, nous avons pu débloquer des situations complexes.

Un point commun est apparu entre ces deux garçons, celui d’une violence physique impulsive (allant quelque peu au-delà de la seule « hyperactivité »), pour laquelle il a fallu trouver des solutions constructives sans appui médicamenteux. Pour le premier qui avait huit ans et que nous nommerons André, il est apparu assez tôt qu’il s’agitait et pouvait s’en prendre aux autres en utilisant des cris et parfois des coups. Ma première intervention a été de lui demander de m’exprimer ce qui le dérangeait chez les autres et de me raconter ce qui se passait dans son corps lors de ces moments de grandes tensions. Il est apparu que cela venait quasi-exclusivement d’une anxiété et d’une peur des autres et du monde. On avait affaire à un garçon très angoissé.

Un jour où je le trouve assis par terre devant une porte, je lui demande ce qu’il fait là : « – Je suis puni… – Ah bon et pour quoi ? – Je sais pas. – Tu sais pas ? Mais qui t’a puni ? – C’est Kévin. » Kévin est un animateur, je vais à sa rencontre et je lui demande pourquoi André est puni : «  Il est cruel et démoniaque, il a tué un crapaud ! –  C’est-à-dire ? – Il l’a écrasé avec son pied. – Tu lui as expliqué ? – Il n’y a rien à expliquer, je lui ai dit qu’il était cruel et que ça ne se faisait pas ! » Un peu déconcerté, je retourne voir André, qui me raconte que lorsqu’il a vu le crapaud, il a « flippé » et qu’après il ne se rappelle plus sa réaction. Après vérification auprès d’autres enfants, et de sa sœur, notre André avait en effet très peur.

Je suis donc revenu vers Kévin et je lui ai demandé de présenter ses excuses à André, lui expliquant qu’il n’était pas possible de punir un enfant sans avoir discuté pour comprendre ce qui se jouait dans la situation. Avec Kévin, nous sommes allé voir André, Kévin s’est excusé (un peu en colère contre moi), je lui ai ensuite demandé de rester avec André pour discuter, et Kévin lui a dit combien il avait été touché de voir un crapaud se faire écraser de cette façon.. Une première solution a été trouvée : Kévin aiderait André à en savoir plus sur les animaux. La fin de la colo a montré qu’André pouvait prendre en compte l’impact de ses comportements sur les autres, et que même avec maladresse il pouvait prendre soin de lui et des autres, tant que son environnement lui semblait juste et bienveillant.

Lors de cette même colonie de vacances, Kim avait aussi arrêté son traitement. L’expression de ses comportements était également en décalage avec les autres enfants du groupe, mais cela prenait la forme d’une introversion forte, et nous ne nous serions rendu compte d’aucun problème sans un geste qu’il fit un midi. À l’heure du repas, Kim ne vint pas manger ce jour-là, je suis parti à sa recherche, et je l’ai trouvé derrière le bâtiment, sur le chemin de la cantine, il était en train de frotter son poignet sur une plaque de métal en pleurant. J’ai été à sa rencontre, et sans me regarder, il m’exprime sa volonté de mourir. Je lui demande ce qu’il veut dire par là, et quand il me répond qu’il ne veut plus vivre, j’en conclus qu’il a bien choisi ses mots.

Kim me semblait alors très malheureux. Il avait une forte agressivité en lui, mais il l’exprimait exclusivement contre lui-même. Du haut de ses neuf ans, il avait acquis la conviction d’être inutile, d’être un poids pour sa famille et les autres. Il n’avait aucune chance de se couper quoi que ce soit dans sa démarche d’auto-mutilation, mais le message n’en était pas moins spectaculaire et très clair. Nous avons mangé ensemble, et nous lui avons apporté avec l’équipe un soutien tout particulier, pour l’aider à tisser des liens avec les autres enfants. Les enfants l’appréciaient et n’avaient aucun souci relationnel avec lui. Il avait donc importé ce regard auto-dépréciatif d’avant le séjour. Suite à cet événement, Kim a su profiter de son séjour et ne s’est plus attaqué à lui-même.

Ces deux histoires aux fins joyeuses ont trouvé une issue grâce à la confiance qui a pu se vivre dans les relations éducatives permises par un certain contexte. Les enfants n’ont pas été jugés trop longtemps pour leurs actes, il s’est plutôt agi de les voir comme des expressions fortes, adaptées aux capacités de communication alors mobilisables par ces enfants. Pour Kim, et j’ai pu l’observer souvent dans d’autres situations, le fait de jouir d’une libre circulation lui a permis d’utiliser l’espace et le temps comme des moyens d’action et de communication, ce qui permet à la fois de prendre des habitudes et de les rompre. Ces ruptures sont des signaux forts pour les accompagnants, qui ont alors l’occasion de constater des évolutions ou des tensions et peuvent y prêter attention. La suspension du traitement instaurait peut-être de nouvelles fragilités, mais la flexibilité du contexte éducatif mis en place dans cette colonie a permis de « soigner » les problèmes relationnels par une intervention relationnelle plutôt que médicamentée. Les enfants ont aussi pu prendre une part active à leurs soins et ainsi être valorisés dans leur capacité à se prendre en main.

Et à l’école ?

Je travaille actuellement dans une école qualifiée d’alternative, où les enfants sont libres de se déplacer dans les espaces. Nous avons des coins dédiés à différents types d’activités. Les jeux de société, la bibliothèque, l’espace d’activités scientifiques, celui des activités manuelles (peinture, sculpture, dessin…), celui des activités mathématiques, de jardinage, des activités de langage et celui d’histoire-géo et de recherches documentaires. Ces lieux sont en libre accès. En plus de la proposition de déplacement physique, les enfants trouvent à l’école des propositions d’adultes et/ou de pairs sous forme de conférences, d’ateliers, de présentations. De plus, les enfants ont des objectifs quant à leurs apprentissages et le développement de compétences, objectifs qui sont formulés lors de rencontres entre parents, enfants et éducateurs.

La vie du groupe fonctionne sur la base de deux règles fondamentales, qui sont le respect des autres et du matériel. Les autres règles sont élaborées avec les enfants lors des conseils hebdomadaires. Les enfants sont accompagnés à se positionner et à prendre part à la gestion du quotidien, de leurs rapports aux autres, de la vie de la classe et de leur développement. De plus, l’école est ouverte aux parents jusque dans le développement de stratégies éducatives.

J’ai pu fonctionner sur cette base au sein d’un collège et actuellement dans un établissement primaire, et à ces occasions, j’ai pu accompagner des enfants diagnostiqués avec des troubles de l’attention et de la concentration. Il s’avère que dans ce type de système, cela n’a jamais posé de soucis particuliers. Les enfants ainsi diagnostiqués ont, comme les autres, un mode de développement transversal s’exprimant majoritairement par le jeu et nourri par la richesse des interactions avec les autres, le milieu et eux-mêmes. Le passage d’une question autour d’un animal à des questions de physique ou de grammaire sont fréquentes car rarement distingués en catégories par les enfants, et en lien étroit avec le jugement qu’ils ont d’eux-mêmes. Une approche globale et d’émulation est donc de mise pour tout le monde avec la réflexivité comme moteur.

Le cas de Mouss illustre les implications d’un tel contexte sur les troubles attentionnels. Il est arrivé avec un trouble diagnostiqué de l’attention et était présenté par ses parents comme incapable de se concentrer ou de terminer ce qu’il commençait. En effet, lorsque je lui ai proposé une tâche mathématique autour de la réalisation d’une opération, il s’est avéré incapable de rester focalisé. Il avait besoin d’énormément de soutien pour faire aboutir sa division, je devais lui rappeler toutes les vingt secondes ce que nous étions en train de faire. Il finissait par y parvenir au prix d’énormes efforts, mais il n’avait pas retenu le processus de l’opération puisqu’il ne pouvait visiblement pas la reproduire seul. Un grand problème, en effet, pour lequel le contexte scolaire habituel enclenche un processus de diagnostic psychologique ou psychiatrique pouvant amener à une médicalisation débouchant fréquemment sur un traitement pharmacologique.

La semaine suivante, un de ses camarades passionné par les calculs et y prenant un plaisir visible et communicatif a attiré son attention. Mouss l’a observé et lui a posé des questions. Je me suis approché de Mouss et lui ai demandé s’il voulait essayer à son tour. Il m’a dit oui. Rapidement, il a voulu que je le laisse faire seul et il a rapidement pu faire des divisions à virgule.

Le blocage était bien un problème de focalisation et d’attention : Mouss ne peut pas se focaliser sur une tâche dont il ne voit pas le sens et à laquelle il est sommé de répondre par une réussite. Mais dès qu’il devient moteur de son action, il peut rester concentré des heures, voire des jours entiers sur un ouvrage, un exposé, une création. J’en arrive à considérer que le « trouble déficitaire » vient souvent d’un élan d’émancipation de la part des enfants, élan qui ne leur permet pas de se conformer rapidement à une demande d’action venant de l’extérieur et paraissant peu motivée. L’injonction d’attention et de concentration comprendrait en elle un paradoxe : « J’attends de toi que tu sois attentif quand je décide que tu dois l’être, que tu te prennes en main, quand je le décide pour que tu puisses plus tard le faire par toi-même. » Assez logiquement, plus grands sont les désirs et les capacités d’émancipation et de réflexivité, plus fortes sont la frustration et l’intolérance envers les ordres et les incohérences.

Nous dépossédons trop souvent les enfants et les autres de la temporalité de leurs actions et de leur vie, et le contexte scolaire traditionnel se définit même formellement par cette dépossession. Il n’y a pas de quoi s’alarmer si des individus très jeunes manifestent un refus d’obtempérer. On peut tout aussi bien y voir le symptôme d’une conquête de l’autonomie, de l’expression d’un libre arbitre fortement valorisé dans nos cultures démocratiques et entrepreneuriales, et vu comme une preuve forte d’évolution.

Plus rapidement, j’ai pu assister à l’association de deux enfants eux aussi diagnostiqués avec des troubles de l’attention, qui en effet évitaient systématiquement les situations d’apprentissage, et plus précisément celles les mettant face à un adulte censé savoir. Ils étaient âgés de onze ans et ont investi les extérieurs pour s’y faire des cabanes et y vivre une relation forte, faite de jeux verbaux et de constructions. Petit à petit, ils se sont rapprochés de la partie dédiée aux apprentissages et à la vie collective, se faisant une cabane dans la classe. Le processus a duré quelques mois, et il s’est avéré qu’ensemble ils avaient réussi à retrouver une confiance en eux. Le suivi mis en place avec la famille a permis aux deux garçons de vivre leur différence, d’en être fiers et de pouvoir ensuite partager avec le groupe leurs capacités particulières d’imagination et de création d’outils, ainsi qu’un don particulier pour l’informatique. Très marqués par leur étiquette d’enfants différents acquise dans leurs précédentes expériences – ce qui les avait amenés à être violentés par d’autres enfants ou par des adultes enseignants – ils sont restés quelque peu sauvages et insaisissables, ou plutôt libres de choisir quand et comment ils allaient s’investir dans le groupe et les apprentissages.

Dans ce cas également, le temps, l’espace et la confiance offerts par un contexte éducatif alternatif ont permis, grâce à l’effort de la part des adultes de maintenir une communication de qualité avec ces enfants, de réintégrer dans le groupe ces enfants diagnostiqués comme souffrant de troubles attentionnels. Il est d’ailleurs à noter que les troubles de l’apprentissage et le surdouement sont de plus en plus reliés par les psychologues. Une autre étiquette…

Quelques pistes pour agir

L’inadaptation à un système malade est le signe d’une bonne santé. Avant d’en venir à la solution ultime de la médicalisation, de multiples actions sont possibles. À mon échelle et dans mes différentes activités, autour de l’idée principale que la liberté consciente ne s’acquiert que par son exercice quotidien, voici les pistes qui semblent prometteuses :

Concevoir l’école comme un outil plutôt que comme un objectif. En rendant à l’institution son rôle de formation, de préparation au monde au service de l’enfant et des familles dans une visée d’inclusion citoyenne, il devient possible et nécessaire de soutenir le développement de singularités. L’appui des professionnels de santé, des familles et des enfants aide l’institution éducative à établir ensemble des objectifs raisonnables et valorisants au plus près de la Zone Proximale de Développement de chacun et chacune. Cela implique toutefois de faire de l’institution scolaire un outil flexible capable d’adapter ses propositions à ses publics..

Inclure tous les membres de la société dans la conception et la réalisation des visées éducatives. En effet, l’éducation est un processus d’évolution et d’intégration des évolutions du monde, des savoirs, des compétences, processus actif tout au long de la vie. Donner une place aux jeunes et aux familles dans l’expression de leurs besoins d’éducation et dans leurs désirs d’évolution est une bonne façon de les mettre eux-mêmes dans une position d’éducateur. Cela aide à cultiver la confiance dans le fait que l’on est capable de s’éduquer soi-même ainsi que les uns les autres.

Accueillir les différences comme des potentiels porteurs de richesses. Dans une posture humaniste considérant la diversité humaine comme un gage de richesse pour notre société, la normalisation chimique, si elle permet une stabilité das comportements attendus face à la proposition institutionnelle, n’en reste pas moins violente pour ceux qui la prescrivent comme pour ceux qui en subissent le traitement. L’enjeu est ici de privilégier l’équité, plutôt que l’égalité, en favorisant l’accueil des diversités au sein d’un collectif, plutôt que la normalisation des individus comme pré-requis aux apprentissages.

Soutenir la capacité d’adaptation des enfants à la place d’une injonction à la normalisation. Les différences ne peuvent être une richesse que dans la mesure où ces richesses sont partageables. Un soutien fort est nécessaire pour permettre aux enfants, aux familles et aux éducateurs de maintenir et de soutenir une communication de qualité autour de codes et de valeurs qui permettent une vie ensemble de qualité. Là encore, c’est la concertation et l’ouverture de l’ensemble des membres de la communauté éducative qui est nécessaire, ce qui implique d’une certaine façon de dé-sanctuariser l’école.

Pour faire cela, il s’agit de maintenir une forme de réflexivité permanente. Cela implique pour moi, dans mon travail, d’utiliser les trois leviers à notre disposition face aux situations complexes. Chacun de ces leviers donne des marges de manœuvre que j’investis dans la mesure de mes capacités, seul, avec des collègues et au sein de diverses associations.

Moi, mon comportement, mon regard : le problème viendrait-il de moi-même ? Si oui, je m’en occupe. Si non, ou si je ne m’en rends pas compte, alors je joue sur les piliers suivants.

L’environnement : est-il adapté ? Permet-il d’expliquer les racines du comportement problématique ? Comment le réaménager pour qu’il favorise un changement de comportement ? Lorsque le problème vient de l’aménagement de la classe, de règles collectives, je peux influer sur ces facteurs. Parfois c’est la société qui, dans ses injonctions plus générales, crée cette situation. Puis-je infléchir ces injonctions générales au sein de mon environnement particulier ? Si oui, allons-y. Sinon, il me reste à agir sur le troisième pilier.

L’autre : le défi est ici de lui permettre de comprendre que son comportement problématique n’est pas acceptable dans les conditions communes qui sont les nôtres. Il faut s’efforcer de le contraindre et de l’aider à se contraindre, si ses comportements s’avèrent toxiques pour les autres. Si toutefois cela ne devait pas permettre d’avancer, alors il faudrait recommencer la boucle…

Quelques questions que pose le recours à la ritaline

Les quelques cas particuliers évoqués ici ne font pas preuve qu’on puisse se passer complètement de traitement médicamenté dans toutes les situations. Ils indiquent toutefois clairement une alternative, que de nombreux éducateurs mettent déjà en place, mais qui peine à être entendue dans ses conséquences, certes dérangeantes, mais incontournables.

On semble recourir à la ritaline pour imposer de l’extérieur des tâches dont l’élève ne perçoit pas la nécessité, ou plus exactement, pour induire en lui une attitude de soumission envers l’imposition de telles tâches. Les quelques expériences relatées dans les pages précédentes suggèrent que, dans de nombreux cas au moins, on peut parfaitement se passer de traitement médicamenteux, dès lors qu’on fait de l’apprentissage et du développement de compétences via une stimulation de la libre implication, la visée principale du processus éducatif. Cela demande toutefois, de la part de l’éducateur, une attention à la singularité de l’enfant ainsi qu’une flexibilité dans l’aménagement du temps, de l’espace, des règles que toutes les institutions éducatives, dans leur formes actuelles, ne sont peut-être pas en mesure d’accommoder tant leurs enjeux et modes de fonctionnement semblent éloignés de ceux des enfants et des familles.

À la lumière de mon expérience de pédagogie alternative, l’usage de la Ritaline pose donc une série de questions : dans quelle mesure l’institution éducative se fixe-t-elle pour mission d’enseigner, de partager, de transmettre des compétences et des valeurs de respect, d’émancipation, de travail et de collaboration ? Ou dans quelle mesure s’agit-il pour la scolarisation d’encoder chez les enfants et les familles des habitudes de soumission ?

Plus précisément :dans quelle mesure l’usage de la Ritaline, d’un traitement chimique ou de la force en général, ne court-circuite-t-il pas le processus interne conduisant l’élève à vivre ses processus d’apprentissage ? C’est bien l’expérience de ces processus, et non seulement leurs résultats chiffrés lors d’examens, qui nourrit un apprentissage véritablement émancipateur et reproductible par l’enfant. En médicamentant l’attention, ne prenons-nous pas le risque d’éliminer à la source les motivations à l’expression des singularités et de la curiosité ?

En dernière analyse, la question est la suivante : appartient-il aux nouvelles générations de supporter jusque dans leur métabolisme les incohérences entre notre système éducatif et  nos aspirations collectives? L’éducation donne le ton de la capacité d’inclusion et de l’ouverture de notre société. Quand elle devient un accueil collectif à visée éducative d’enrichissement mutuel, alors les diversités deviennent des richesses, et les comportements des enfants des messages expressifs envoyés aux éducateurs et à la société. Le principal problème d’un usage abusif de la ritaline est sans doute d’étouffer ces messages au nom d’une normalité conceptuelle et de nous priver du point de vue de certains enfants sur notre monde.

En dernière analyse, la question est la suivante : appartient-il aux nouvelles générations de supporter jusque dans leur métabolisme les incohérences entre notre système éducatif et  nos aspirations collectives? L’éducation donne le ton de la capacité d’inclusion et de l’ouverture de notre société. Quand elle devient un accueil collectif à visée éducative d’enrichissement mutuel, alors les diversités deviennent des richesses, et les comportements des enfants des messages expressifs envoyés aux éducateurs et à la société. Le principal problème d’un usage abusif de la ritaline est sans doute d’étouffer ces messages au nom d’une normalité conceptuelle et de nous priver du point de vue de certains enfants sur notre monde.

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